la grande dame
— tout est dans le nom.
03 août 2021 — entretien MATHIAS QUINTON & CYRIL VINCHON
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Décrivez-vous en trois mots.
Mannequin, artiste et actuelle.
Quand et comment est née La Grande Dame ? Pourquoi ce nom ?
Ça va faire quelques années maintenant. J’ai commencé à sortir dans le milieu de la nuit à Nice, à fréquenter des drag queens, des DJ, des patrons de bars et très vite j’ai commencé à m’amuser avec la mode et à m’habiller de manière plus extravagante. Je me suis fait remarquer comme ça à Nice. Sinon «La Grande Dame» ça vient de l’entreprise familiale. Ma mère et ma sœur tenaient une société d’import/export dans les vins et spiritueux. C’est un milieu assez machiste et misogyne (le vin et le commerce) et elles s’étaient appelées «les grandes dames» parce qu’elles sont très grandes. Ma mère fait 1m83, ma soeur fait 1 m 86. Quand on reparlait d’elles, on disait «les deux grandes», «les deux nanas». Elles ont donc décidé de l’incorporer dans le nom de la société. Depuis, cette société n’existe plus mais quand j’ai choisi mon nom de scène, j’ai trouvé que ça collait pas mal. Quand on me voit, quand on parle de moi on me dit pareil : «ah tu sais, la grande là». C’est un avantage quand on est un personnage public que les gens se souviennent de notre nom. C’est un hommage à ma mère, à ma sœur, à ce qu’elles avaient construit en tant que femmes indépendantes.
Vous faites sensation avec les Beauty Hacks sur les réseaux, comment expliquez-vous cela ?
C’est un nouveau concept que Beauty Studio ont lancé avec moi. C’est une grosse société de production internationale. Ils sont implantés à New York, Los Angeles et Paris. J’ai fait beaucoup de vidéos avec eux, où je maquillais des gens, où je mettais des gens en drag, etc. Ils ont très vite été contents, car les vidéos faisaient pas mal de vues, et nous avons donc décidé de lancer ce concept ensemble. C’est très ludique parce qu’on teste des astuces beauté assez bancales (en sachant très bien qu’elles sont bancales) mais voilà, on fait les tests. Je pense que ça plaît car on fait ce que les gens ne peuvent pas faire chez eux. Moi aussi, pendant longtemps, j’ai regardé ces tutoriels YouTube en voulant les tester pour voir si ça fonctionnait vraiment. Là, c’est ce qu’on fait, on récupère ces astuces et on les essaye en direct. Moi, à côté, j’essaye d’être la plus rigolote possible et la plus divertissante. Je pense que ce format regroupe tout ce qu’on attend d’une émission internet. Je suis très contente, ça fait plusieurs millions de vues à chaque fois et l’aventure continue parce qu’on prépare un troisième gros tournage.
Qu’est-ce que La Grande Dame a de plus que les autres présentatrices/mannequins ?
Je pense que je me prends pas du tout au sérieux dans ce genre de format. À côté, je travaille beaucoup dans la mode et je prends ça très sérieusement. Lors de confirmations avec des marques je suis très professionnelle, je sais que je le suis, on me le dit. Ce projet-là me permet de me lâcher totalement et c’est ce qu’on attend de moi pendant le tournage. La vidéo est le condensé de toutes mes bêtises. Je pense que c’est aussi ce contraste entre le côté très carré et mode de mon personnage, et l’aspect plus intimiste de ce style de vidéos. Les spectateurs rentrent dans le fond de ma personnalité, ils découvrent comment je suis avec mes amis. C’est vraiment les contrastes qui fonctionnent dans mon personnage. Par exemple, le contraste entre mon image assez féminine et ma voix qui est celle d’un camionneur. Ce que les gens aiment dans mon personnage, ce sont tous ces contrastes.
Jean-Paul Gaultier, Victor Weinsanto, etc., sont des personnes avec qui vous travaillez, ou avez travaillé en tant que mannequin. Qu’est-ce que vous animez le plus dans ce métier?
Tout ce qui a trait à la mode sont les moments les plus sympathiques car être mannequin, c’est un petit peu le travail parfait. Ce n’est pas si technique et c’est du plaisir pur. Je crois que ce que préfère vraiment (et Beauty Studio s’inscrit dedans), c’est l’ambiance d’un plateau, que ce soit pour un tournage, une séance photo, ou une émission de télévision. J'aime être dans une équipe où chaque personne occupe un poste car elle le fait extrêmement bien. J’aime cette ambiance, cette effervescence, ce professionnalisme. Ce que je préfère de très loin c’est être sur un plateau et prendre part à cette effervescence. Mon but ultime serait d’avoir mon émission à la télévision etc. J’adore travailler, j’adore être sur un plateau.
Le monde du divertissement et de l’événementiel est très touché de nos jours, comment gérez-vous votre carrière? Cela a-t-il changé quelque chose dans votre philosophie de vie ou dans l’approche de votre métier?
Oui, ça a changé beaucoup de choses dans le sens où j’ai très vite compris qu’il allait falloir se tourner vers les médias. Que cela soit numérique ou Instagram. J'ai compris qu'il allait falloir créer du contenu et que je ne pouvais plus uniquement compter sur les spectacles en présentiel, sur les soirées, et sur le fait de rencontrer les gens dans la vraie vie. Au moment du premier confinement, je me suis mis pleinement à la création de contenu, et j’ai gagné 10 000 abonnés sur Instagram juste parce que je me suis décidée à publier tous les deux jours et à créer du contenu de qualité. J’improvisais des mini séances photo chez moi, en drag, avec ce que j’avais le temps de créer. Cela a changé ma vision de savoir comment j'allais arriver à mes objectifs de vie, par quel médium, de quelle manière j'allais y accéder. Je crois avoir compris rapidement cela, et je l'ai mis en application donc je suis contente de tout ça. Ceci dit, c’est une crise absolument horrible pour tous les artistes, les gens du spectacle, les gens du monde de la nuit, qui ont besoin d’avoir du public. C’est vraiment très dur, je m’en rends compte car j'en ai fait l’expérience au début de la crise, mais j'ai très vite été assez chanceuse en travaillant sur mes visuels et mon image. Je fais partie d'une poignée de privilégiés qui ont continué à travailler. De plus, j'ai ma société pour gérer tout ça, donc j’ai eu les aides octroyées aux entreprises. Je suis très privilégiée parce que j’ai pu faire des défilés, j’ai pu tourner avec Beauty Studio. Ça a changé les choses dans le sens où j’ai compris qu’il allait falloir changer de méthode pour gagner sa croute.
Quel est votre accessoire fétiche?
J’ai envie de répondre les chaussures parce que depuis des années, si ce n’est des décennies maintenant, la chaussure a toujours été un objet incroyable pour moi. Avant de me lancer dans tout ça, j’ai eu un baccalauréat en création (bac STD2A), et mon rêve était d’être créatrice dans la mode, et de me spécialiser dans la chaussure. Je voulais créer ma propre maison de chaussure et être la nouvelle Christian Louboutin. Mais en regardant mon compte Instagram, je me rends compte que le corset est la pierre angulaire de mon personnage. Disons qu'il y a un coude à coude entre le corset et les chaussures.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la House Of Gucci?
La House of Gucci est une des nombreuses maisons de voguing en France. Il y a pôle français mais c’est une maison internationale qui est située aux États-Unis. À la tête de cette maison en France, il y a Kiddy Smile qui, par extension, est devenue ma mother, ma mère de voguing. Ma rencontre avec Kiddy Smile a été assez organique. On a travaillé ensemble sur un évènement Marc Jacobs il y a deux ans, et nous avons fini par se recroiser chez Jean-Paul Gaultier. Je pense qu’il a vu le potentiel de mon personnage, et il m’a proposé d’intégrer la House of Gucci, qui est un condensé d’artistes incroyables tous plus talentueux les uns que les autres. Il y a un éventail d’êtres humains absolument fantastique, et c’est un bonheur d’en faire partie. Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire mon premier ball, ni d'aller parader (walk) dans les catégories Face et Runway dû à la COVID-19. Mais cela ne nous empêche pas de nous entraîner très régulièrement avec toute la famille. Peu importe la catégorie dans laquelle on marche pendant le ball, on s’entraîne sur toutes, sans distinction, pour échanger et être au courant de ce qui se fait. C’est une vraie fierté de faire partie de cette maison.
La Grande Dame est-elle plus froufrous ou épaulettes?
Clairement épaulettes! I’m a strong lady, I’m a business woman. Les froufrous, je laisse ça aux jeunes. Je suis très épaulettes et j’aime tout ce que l’image de la femme forte renvoie. Mugler à fond! Gaultier à fond! On est épaulettes jusqu'au bout, les froufrous c’est pour les costumes.
Un mot de la fin?
J’ai regardé une entrevue récemment, celle de Naomi Campbell qui interrogeait Iman Bowie sur sa chaine YouTube. Naomi demandait à Iman comment elle avait été découverte quand elle était jeune à New York, et comment avait été son entrée dans le monde du mannequinat et de la célébrité, et Iman lui a répondu répond «I wasn’t lost so I didn’t need to be descovered». J’ai bien aimé sa réponse, ça m’est resté dans la tête depuis hier soir, et j’imagine que l’univers à bien fait les choses, donc il fallait que je ressorte ça ici
réalisation CYRIL VINCHON
photographies BEN FOURMI
scénographie DÉBORAH SADOUN
maquillage LA GRANDE DAME en utilisant des produits LOUBOUTIN BEAUTY
manucure LILLY LIZÉ en utilisant des produits LOUBOUTIN BEAUTY
talent LA GRANDE DAME (MMANAGEMENT)
assistante mode SOLENN LE FLOC’H
assistante photographie SIDONIE RONFARD
remerciements JEAN MELIN
studios À CIEL OUVERT STUDIOS
production FABRICA