adrien simon poznanski

23 mars 2020

 
 

Directeur artistique renommé dans l’industrie de la mode et éternel rêveur en privé, Adrien Poznanski nous émerveille à chaque fois qu’il dirige un projet. Rencontre avec le prodige de l’image de marque et de l’esthétique.

Décrivez-vous en trois mots.

Rêveur, sensible, passionné.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?

Je suis diplômé d’une école de design et titulaire d’un Master en recherche théorique sur le design et son environnement créatif. Vers mes dix ans, alors que mes copains jouaient au foot, moi je créais des maisons entières pour mes jouets ! Les chutes de parquets devenaient des murs, les linoléums de vastes sols carrelés, chaque pièce avait sa tapisserie, son mobilier en carton, etc. C’étaient de véritables maisons avec même le catalogue de mobilier sur cahier cousu. C’est donc tout jeune que j’ai cultivé cette fibre créatrice.Après des études artistiques très ordonnées, j’ai eu un parcours très atypique mais qui a énormément forgé mon regard. J’ai déniché mon premier travail étudiant à 18 ans en accompagnant ma mère (alors première d’atelier dans une grande maison) dans un atelier de fabrication haute couture. A côté de grandes marques comme Givenchy, Dior ou Alexandre Vauthier, j’ai rencontré des jeunes créateurs qui m’ont demandé de créer des logos, du graphisme pour leur marque. Après cette expérience et toujours en parallèle de mes études supérieures en design, j’ai eu la chance d’entrer à la Galerie Dominique Fiat, spécialisée en art contemporain. J’ai complété mon éducation artistique en faisant beaucoup de graphisme (invitations, communiqué de presse, site web, etc.). J’ai aussi rencontré beaucoup d’artistes et des photographes comme Rut Blees Luxemburg, Rebecca Bournigault, Laddie John Dill, qui sont devenus pour moi des références. Mon chemin a croisé celui d’amis qui m’ont beaucoup appris comme Julien Comte-Gaz, Edouard Taufenbach qui sont aujourd’hui des artistes reconnus. De ces rencontres j’ai découvert le cinéma français (notamment de la Nouvelle Vague) et cultivé ma culture en art contemporain. J’ai aussi travaillé pour l’Opéra de Paris, ce qui m’a permis de voir plusieurs saisons entières de spectacles. J’ai eu de véritables « chocs » artistiques en découvrant des mises en scène de Robert Wilson, Roméo Castellucci, et beaucoup de ballets contemporains comme Anne Teresa de Keersmaeker, Maguy Marin (qui sont devenus récurrent dans mes planches d’inspiration aujourd’hui). J’ai dévoré les spectacles de la scène parisienne de l’époque (Odéon, La Villette, Nanterre Amandier) créant ainsi des liens avec l’art contemporain dans sa globalité. Ce sont ces expériences, ma curiosité et mes passions (comme les films de la Nouvelle Vague, les vieux appareils photos, le design produits, entre autres) qui m’ont poussé à créer mon premier portfolio et devenir indépendant. Une fois mes études terminées, c’est au fil des rencontres que j’ai débuté ma véritable carrière professionnelle : tout d’abord avec Francisco Terra, le créateur de Neith Nyer avec qui j’ai contribué à l’image de marque et travaillé ponctuellement pendant quelques années. Puis les fondateurs de la marque Éditions M.R qui m’ont confié la gestion de l’image de marque et du marketing créé par L’atelier Franck Durand. Dans cette collaboration j’ai réellement saisi la pleine amplitude du métier de Directeur artistique et son aspect pluridisciplinaire. D’autres missions pour le groupe EPI et des marques comme Château la Verrerie (vignoble) ou David Mallett (coiffeur) m’ont permis de diversifier mon activité. Louis-Gabriel Nouchi qui, au-delà d’être une rencontre professionnelle est devenu un ami proche, m’annonce en 2017 qu’il créé sa marque indépendante. Il m’offre alors sa confiance absolue et me confie l’image globale de sa marque. C’est ainsi que j’ai développé mon premier projet de marque de A à Z : une typographie complète (avec la complicité de Charlotte Taillet), un logo, les séances photo, les défilés. Bref, la marque LGN Louis-Gabriel Nouchi. Aujourd’hui mes clients sont divers (Laquintane, Agnelle) et mes réalisations sont publiées dans des magazines comme L’Officiel ou Vogue. Pour résumer, je dirais que c’est mon côté « touche à tout » et ma vision d’ensemble d’un projet qui m’ont poussés à faire ce métier (ça me vient surement de ma formation en conception produit). Au-delà du graphisme, on m’a très vite demandé de concevoir des sites, des vitrines, de la photographie, de la scénographie, etc. C’est ainsi que j’ai réellement agi sur la vision globale, et c’est mon métier, celui de Directeur artistique.

Vous travaillez avec des créateurs comme Louis-Gabriel Nouchi, Agnelle, Neith Nyer, etc. Comment choisissez-vous les personnes et les marques avec qui vous travaillez ?

Au début on me consulte pour une mission, un projet et au fil des discussions, un lien de confiance se tisse ; c’est ensuite l’humain et l’affinité qui dicte mes choix. Par exemple pour Agnelle, le tout premier contact était pour la refonte du site web, puis la rencontre avec Sophie Grégoire a été si intense que j’ai compris la force de l’héritage de cette maison. Après une plongée dans le passé, dans l’histoire de la ganterie et après des heures de discussion, nous nous sommes lancés dans un travail beaucoup plus global d’image de marque. Je pense que mon côté rationnel aide les clients à se projeter très facilement. Enfin, en tant que Directeur artistique, j’aime sortir de ma zone de confort, au gré des rencontres je me lance des défis.

Avez-vous un rituel de préparation/d’organisation quand vous êtes en charge de la direction artistique d’un projet ?

Mon rituel c’est surtout de ne pas en avoir ! Pour moi une préparation ordonnée c’est d’aller à la recherche de références partout, sans m’enfermer dans le secteur de mon client. Surtout pas de Pinterest ou autres applications, je me lance dans les magazines, les livres d’art, les films. J’ai un attrait très fort pour tout ce qui relève des photos ou albums de famille. À partir de toutes ces références, à la manière d’un storyboard de film, chaque planche d’inspiration raconte une histoire.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?

Je trouve la phase de recherche très excitante, dès les premières longues discussions avec ceux qui font la marque aujourd’hui jusqu’aux plongées dans les archives. Il y quelques saisons j’ai travaillé sur la collaboration LGN x Damart et j’ai eu l’opportunité de passer une journée complète dans les archives de la marque. Parmi tous les catalogues, je me souviens des plus anciens comme graphiquement incroyables !

Une anecdote amusante ?

Au-delà d’anecdotes amusantes, j’ai la chance de ne travailler que dans la bonne humeur ! Je retiens surtout un moment particulier pendant la séance photo de la campagne printemps-été 2020 dans le sud de la France pour LGN : Vanessa Bellini (maquilleuse) Léa Madonia (mon ancienne assistante) et toute l’équipe s’est s’amusée à faire des poses « dénudés » sur la plage. Ce sont les rencontres qui font qu’une séance photo au bord de mer peut se transformer rapidement en weekend dans le sud « entre potes ».

Une devise ?

La curiosité n’est pas un vilain défaut !

photographies HUGO PAGNIER

interview & texte CYRIL VINCHON

 
 
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